Mawulawoè, un acheteur de terrain tiré d’affaire grâce à la sécurisation foncière

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Une maison en construction à Adétikopé
Le terrain habité et toujours en chantier
À Adétikopé, banlieue située à 21 kilomètres au nord-ouest de la capitale Lomé, vivent enfin paisiblement Mawulawoè, sa femme couturière et leurs trois enfants. Il y a encore quelques mois, ce maçon, père de famille âgé de 44 ans, faisait face à une vraie menace de perdre son terrain acquis avec des épargnes de plusieurs années. La joie dans le cœur, le sourire aux lèvres devant ses enfants qui sautillent sans arrêt dans la cour, ce citoyen est fier d’avoir opté pour la sécurisation foncière, un processus qui l’a mis à l’abri de la double vente.
Après 23 ans de location à Agoè-Kitidjan, Mawulawoè déménage. Comme tous les autres weekends, il passe cet après-midi ensoleillé du dimanche 5 novembre en compagnie de sa famille, dans sa propre maison, loin de toute inquiétude.

Le chemin fut long

« J’ai acheté ce terrain à deux millions de francs CFA. Toutes mes économies sont parties dans l’acquisition de l’espace et la construction de ces deux chambres collées », confie Mawulawoè. À la cuisine, non loin de son mari, Sowonoudé s’exclame euphoriquement.
C’est la décision la plus importante qu’il ait jamais prise, c’est pourquoi nous avons tout fait pour sauvegarder notre bien.
Aussitôt cette phrase terminée, l’époux soupire « hum, cela n’a pas été facile ». Les larmes s’annonçaient sur son visage rapidement submergé par une vive émotion. « Les vendeurs ont voulu nous déposséder de notre propriété en essayant de la revendre aux plus offrants », fait-il savoir. « Mais fort heureusement, nous avons couvert nos arrières à travers la sécurisation foncière », renchérit sa femme devant le feu de cuisson.

Une procédure protectrice

La sécurisation foncière désigne un ensemble de mécanismes mis en place par les autorités pour garantir aux individus des droits de propriété ou d’accès à la terre. Ses avantages sont nombreux comme l’indique Obossou Kwami, le directeur du Cadastre, de la Conservation foncière et de l’Enregistrement à l’OTR.
Elle prévient les litiges fonciers, rend sûrs les investissements, permet d’éviter les conflits en enregistrant les transactions de propriété.
« Cela facilite aussi l’accès aux services financiers parce que la terre sécurisée peut être utilisée comme une garantie pour obtenir des prêts ou accéder à des crédits. La sécurisation foncière réduit l’injustice et l’exclusion sociale en protégeant les propriétaires », complète le responsable de l’Office togolais des recettes.

Les étapes de la sécurisation foncière

Malgré son revenu mensuel souvent aléatoire, le chef de famille Mawulawoè fait preuve d’un civisme fiscal dont il ne regrette pas les retombées positives. Ce contribuable qui reconnaît la valeur de la formalisation a commencé la sécurisation de ses droits fonciers par l’étape de l’établissement d’un plan parcellaire par un géomètre agréé.
C’est un document cartographique qui présente graphiquement et précisément la division d’un terrain ou d’une zone en différentes parcelles. Selon Poko un géomètre reconnu par l’État, la réalisation du plan parcellaire coûte généralement 80 à 120 000 francs ou plus en fonction de la prétention de chaque collègue.
Ensuite, comme le veut la procédure instaurée par les pouvoirs publics, il faut obtenir l’avis favorable du Guichet foncier unique. Créé en mars 2019, ce guichet facilite l’obtention des actes d’urbanisme comme le titre foncier. Le GFU se trouve au siège de l’OTR, il regroupe les représentants de toutes les administrations impliquées dans les formalités de dépôt et de réception des documents nécessaires. À l’intérieur du pays, les habitants peuvent s’adresser aux divisions du Cadastre.

Les étapes suivantes sont l’établissement d’un acte notarié (document légal établi par un notaire) constatant le transfert du droit de propriété ; l’enregistrement de l’acte à la division de l’enregistrement et des timbres ; la demande d’une immatriculation ou une mutation au nom du nouvel acquéreur dans le cas où le terrain est déjà immatriculé.
L’OTR indique qu’après cela, il faut « insérer un avis d’immatriculation au Journal officiel et procéder aux formalités de publication et d’affichage » ; « effectuer le bornage contradictoire de l’immeuble à immatriculer ou à morceler ». Le bornage contradictoire est un moyen par lequel les propriétaires des terrains adjacents s’accordent sur les limites exactes de leurs propriétés.
La transparence, l’une des valeurs défendues par l’OTR
C’est alors qu’il faut « sécuriser le terrain dans le plan et la base cadastrale » et enfin « publier le droit de propriété dans le Livre foncier » qui est un document officiel enregistrant les propriétés foncières, les droits de propriété et les transactions immobilières.
Outre la direction du Cadastre, de la Conservation foncière et de l’Enregistrement, d’autres entités interviennent dans le processus de sécurisation foncière comme la direction de l’Urbanisme et de l’Habitat ; la direction de l’Aménagement, de l’Équipement et de la Mécanisation agricole ; la direction des Affaires domaniales. Le citoyen est donc accompagné à tous ces niveaux de la procédure par les services impliqués.

Le coût de l‘opération

Il existe deux types d’immatriculation foncière pour sécuriser son bien : la première immatriculation qui est pour les terrains et les immeubles qui n’ont jamais fait l’objet de titre foncier et la deuxième immatriculation qui concerne les terrains ayant déjà un titre foncier avant achat.
Le montant à dépenser varie en fonction de la valeur vénale du terrain et de sa superficie. La valeur vénale est la valeur marchande actuelle du terrain sur le marché immobilier. Dans le cas de Mawulawoè, il se souvient que toutes les démarches susmentionnées ont nécessité des centaines de milliers de francs. « Mais la chose dont il s’agit mérite la dépense que j’ai faite », concède-t-il avec plaisir. Le directeur du Cadastre Obossou Kwami cite la plupart des coûts dont il faut s’acquitter.
Les droits et frais à payer tout au long de la procédure sont le droit d’enregistrement : 1,5 % de la valeur vénale du terrain ; les frais de bornage contradictoire s’élevant à 60 000 francs CFA pour un terrain dont la superficie est inférieure ou égale à six ares ; le droit de publication au Journal officiel coûtant 10 000 francs ; le frais de dépôt estimé à 2 000 francs ; le droit fixe d’immatriculation à 1 000 francs ; le droit de tirage à 3 000 francs…
Voici un aperçu du Journal officiel au Togo
Par contre, pour la deuxième immatriculation, le droit d’enregistrement s’élève à 1,9 % de la valeur vénale du terrain. Une fois ce droit payé, le dossier est directement envoyé au Cadastre pour la programmation du bornage contradictoire. Les autres frais comme les honoraires du géomètre et du notaire sont fixés par ceux-ci, indépendamment de l’Office togolais des recettes (OTR) ou de toute autre institution.

Le titre foncier, ce précieux sésame

Délivré après vérification de la documentation et paiement des frais par le demandeur, le titre foncier contient des informations comme le nom du propriétaire, la date d’émission, les références cadastrales, la description détaillée du bien, les limites et d’autres renseignements pertinents.
Le titre foncier est un document juridique indispensable pour le propriétaire de terrain
Une copie du titre foncier en République togolaise
Comme l’explique Obossou Kwami, le titre foncier est un élément crucial du processus de sécurisation foncière en ce sens qu’il atteste formellement de la propriété de la terre ou du bien immobilier.
La sécurisation foncière consiste à garantir les droits que les personnes disposent sur la terre dont le titre foncier en est la formalisation juridique. Par conséquent, le titre foncier est le principal outil de sécurisation des droits fonciers dans la mesure où il est définitif, intangible et inattaquable, sauf dans certains cas prévus par la loi.
Le délai minimum pour obtenir le titre foncier va de six mois à un an, voire plus si le dossier est complexe, indique l’administration fiscale.

« La sécurisation foncière m’a sauvé »

À la commune d’Agoè-Nyivé 6 dans laquelle se situe Adétikopé, des cadres avouent que les problèmes liés au foncier sont récurrents par ici.
S’il y a un conseil à donner aux compatriotes, c’est de consolider leurs droits dès l’acquisition du terrain en optant pour l’obtention du titre foncier. Que ce soit un terrain vierge ou une maison que vous achetez, pensez à protéger votre investissement. On n’est jamais trop prudent.
Même son de cloche chez Lonlongno, un agent immobilier réputé dans la zone : « À notre niveau, avant d’accepter un contrat avec les propriétaires terriens ou de maisons, nous leur demandons les papiers justificatifs pouvant nous prouver que ce que nous allons proposer aux potentiels acheteurs n’est pas déjà vendu ou n’est pas problématique. Par conséquent, nous arrivons à informer nos clients si la procédure de sécurisation foncière a déjà été entamée ou pas. Dans tous les cas, nous leur conseillons vivement de le faire ».

80 % des problèmes devant les tribunaux sont liés au foncier

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Pour Mawulawoè, « vu que j’ai accompli le processus, les autorités administratives m’ont protégé lorsque les autochtones ont voulu se rebeller contre moi. Elles ont fait barrage pour qu’aucune autre personne n’entame une nouvelle procédure sur le même terrain. Les nouveaux acheteurs ont vite compris qu’ils étaient en train de vouloir payer pour une parcelle déjà occupée et pour laquelle je dispose d’un titre foncier. J’ai été sauvé ».
Voulez-vous déposer une plainte foncière ? Cliquez ici !
Cependant, la compétence administrative s’arrête à l’évitement du double emploi. Les cas de contestation d’un droit de propriété, même si elle est sécurisée, relèvent de la compétence des tribunaux.
Ainsi que le signifie son prénom Mawulawoè en éwé, la providence l’a aidé. Mais c’est surtout parce qu’il a été prévoyant et honorant son devoir civique. À quelques mètres de là où il est assis dans la cour de sa nouvelle maison, un bouc bien gras est déjà attaché au manguier. Les fêtes de fin d’année s’annoncent très jouissives pour cette famille modeste qui n’a plus aucun souci à se faire.

Augustin K. Akey

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